SAS : des règles statutaires et des actes extrastatutaires

Les associés d’une SAS ne peuvent pas déroger aux statuts quand bien même leur décision serait prise à l’unanimité. Cependant, sous certaines conditions, un acte extrastatutaire peut s’affranchir des statuts d’une SAS.

 

Révocation d'un dirigeant de SAS : même à l'unanimité, les associés ne peuvent pas déroger aux statuts

Les faits. Les statuts d'une SAS prévoient que le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans juste motif. Une décision désignant le directeur général prévoit, au contraire, qu'il ne pourra être révoqué que dans trois cas précisément définis. Celui-ci est révoqué. Se fondant sur la décision de désignation précitée, il soutient que cette révocation est intervenue sans juste motif et agit contre la société en paiement de dommages et intérêts.

La cour d'appel de Paris lui donne gain de cause au motif suivant : la décision de désignation, prise à l'unanimité des associés lors d'une assemblée générale, démontre leur volonté expresse de déroger aux statuts par une décision collective prise aux conditions requises pour modifier les statuts et s'impose à la société, même si les statuts n'ont pas fait l'objet d'une modification, sans que soit méconnu le principe de primauté des statuts sur un acte extrastatutaire (CA Paris 16-11-2023 n° 22/10344).

Décision. La Cour de cassation censure cette décision : les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée (C. com. art. L 227-1 et L 227-5), notamment les modalités de révocation de ses dirigeants ; si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut pas y déroger, même prise à l'unanimité.

À noter. La Cour de cassation avait déjà refusé à un dirigeant d'une SAS unipersonnelle (Sasu) le droit à une indemnité de révocation qui lui avait été accordé dans une lettre signée par l'associé unique, en contradiction avec les statuts, qui prévoyaient une révocation sans indemnité (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.382). Elle avait alors affirmé le principe selon lequel des actes extrastatutaires peuvent compléter les stipulations des statuts d'une SAS, mais pas y déroger. La Cour de cassation reprend ici ce principe, à propos cette fois d'une SAS pluripersonnelle. Il en ressort qu'une décision sociale, même prise par un associé unique ou à l'unanimité des associés, ne peut pas engager une SAS dès lors qu'elle déroge aux statuts, du moins à leurs dispositions fixant « les conditions dans lesquelles la société est dirigée ».

Quand un acte extrastatutaire peut s'affranchir des statuts d'une SAS

Les faits. Les statuts d'une société par actions simplifiée (SAS) disposent que la révocation du directeur général n'ouvre droit à aucune indemnité. Les associés majoritaires de la holding détenant indirectement la SAS signent un protocole d'investissement aux termes duquel ils s'engagent à faire tout le nécessaire pour qu'un tiers soit nommé directeur général de la SAS et obtienne une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses attributions avant l'expiration d'un délai de deux ans. Dans le même temps, l'associé unique de la SAS adopte une résolution prévoyant le versement, dans ces mêmes hypothèses, de l'indemnité par la SAS. Un an plus tard, le directeur général est révoqué. Il agit donc contre les signataires du protocole afin d'obtenir l'indemnité.

Décision. La Cour de cassation censure l'arrêt d'une cour d'appel qui avait refusé de faire droit à cette demande au motif que la clause litigieuse du protocole d'investissement ne pouvait pas recevoir application car elle était contraire aux statuts de la SAS. Dès lors que cette disposition extrastatutaire ne renfermait qu'un engagement personnel de ses signataires, elle n'était pas contraire aux statuts.

À noter. Les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (C. com. art. L 227-5), notamment les modalités de révocation de ses dirigeants. Comme vu précédemment, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel des actes extrastatutaires ou une décision des associés peuvent compléter les dispositions des statuts en la matière, mais ne peuvent pas y déroger, quand bien même la décision des associés serait prise à l’unanimité. Si les associés de la SAS veulent accorder à un dirigeant la protection dont il ne bénéficiera pas en vertu des statuts, ils doivent modifier ceux-ci, quitte à les modifier à nouveau au terme du mandat pour revenir à la situation antérieure.

Dans la présente affaire, l’acte extrastatutaire relevait d’un engagement personnel dont il n’était pas possible de se prévaloir auprès de la société. Les signataires du protocole d’investissement avaient contracté un engagement de porte-fort (faire le nécessaire pour que la décision de nomination du dirigeant prévoie le versement d’une indemnité en cas de révocation prématurée), dont l’inexécution est sanctionnée par une condamnation à des dommages-intérêts (C. civ. art. 1204).

 

Cass. com. 9-7-2025 n° 24-10.428 et n° 23-21.160

© Lefebvre Dalloz

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