Lutte contre la fraude aux aides publiques : ce qui change pour les entreprises
La loi 2025-594 du 30-6-2025 contre toutes les fraudes aux aides publique a été publiée au Journal officiel le 1-7-2025. Ce texte autorise la suspension temporaire des aides publiques en cas de suspicion de fraude et durcit les sanctions pouvant atteindre 100 % en cas de manoeuvres frauduleuses avérées. Afin d’améliorer le contrôle des aides, elle renforce les échanges d'informations entre administrations et organismes chargés de la gestion et de l’attribution des aides publiques, ainsi que les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’administration en cas de fraudes en matière de formation professionnelle, notamment au compte personnel de formation (CPF). La loi encadre davantage les pratiques de démarchage, notamment téléphonique et prévoit, enfin, des mesures spécifiques pour les secteurs à risque, dont la rénovation énergétique. Les mesures spécifiques au secteur de la rénovation énergétique ne sont pas abordées dans notre dossier.

Dispositifs de suspension et de retrait des aides en cas de suspicion de fraude
Suspension préventive de l'octroi ou du versement d'une aide publique. La loi contre toutes les fraudes aux aides publiques crée un droit général de suspension temporaire de l'octroi ou du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude (Loi art. 1er ; CRPA art L 115-3, I nouveau).
À noter. Sont concernées l’ensemble des aides publiques : subventions en numéraire, subventions en nature, prêts et avances remboursables, exonérations fiscales et sociales, abandons de recettes, subventions aux entreprises, prestations sociales, etc. (Rapport AN n° 663, 27-11-2024).
Ce dispositif, qui s'applique en l'absence de dispositions spécifiques, ne remet pas en cause les dispositifs sectoriels existants permettant notamment aux organismes de sécurité sociale de suspendre les versements de certaines aides sociales (revenu de solidarité active, CASF art. L 262-37 ; prestation de compensation du handicap, CASF art. R 245-70 ; prestation sociale, CSS art. L 161-1-4). Ainsi, l'Agence de services et de paiement (ASP) pourra mettre en oeuvre cette disposition par exemple pour l’octroi des aides à l’embauche ou de l’activité partielle.
Les agents d'une administration ou d'un établissement public industriel et commercial chargés de l'instruction, de l'attribution, de la gestion, du contrôle ou du versement d'aides publiques pourront ainsi procéder à leur suspension en présence d'indices sérieux de manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir ou de tenter d'obtenir indûment l'octroi ou le versement d’une aide publique.
Exemple d’indices sérieux de manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses : usurpation d’identité de sociétés (numéro Siret, raison sociale) pour remplir des formulaires de demandes d’aide, par exemple, fonds de solidarité ou activité partielle (Rapport AN n° 663, 27-11-2024).
Durée de la suspension. La durée de la suspension de l'aide publique est de 3 mois maximum, renouvelable 3 mois lorsque des éléments nouveaux laissant supposer un manquement délibéré ou des manoeuvres frauduleuses sont portés à la connaissance de l'administration durant cette période.
Rejet de la demande ou du versement de l'aide publique. En cas de manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses avérés, l’administration pourra rejeter la demande d’aide publique ou rejeter son versement, sous réserve du retrait de la décision d’octroi de l’aide (Loi art. 1er ; CRPA art. L 115-3, II nouveau). Ces dispositions permettent à une administration de retirer ou d'abroger la décision d'octroi d'une aide publique à tout moment lorsque celle-ci a été obtenue par fraude ou lorsque les conditions de son octroi n'ont pas été respectées. Un décret doit préciser les modalités d'application de ce nouveau dispositif.
Hausse des pénalités en cas d’aide publique indûment obtenue
Lorsque le bénéficiaire a indûment obtenu une aide publique en fournissant des informations inexactes ou incomplètes, il est tenu de restituer les sommes perçues à l'administration assorties d'une majoration.
La loi rehausse le taux de cette majoration, qui est, depuis le 2-7-2025, de :
- 50 % en cas de manquement délibéré (contre 40 % auparavant) ;
- 100 % en cas de manoeuvres frauduleuses (contre 80 % auparavant) (Loi art. 2 ; CRPA art. L 115-1, 1° et 2° modifiés).
Ces majorations ne sont appliquées qu'à la suite de décisions de justice caractérisant le manquement délibéré ou la manoeuvre frauduleuse.
Renforcement des échanges d’informations entre administrations - lorsqu'il existe des indices sérieux de manquement délibéré ou de fraude pour obtenir indûment des aides publiques, des renseignements et documents peuvent désormais être partagés entre agents chargés de l’instruction, de l’attribution, de la gestion, du contrôle ou du versement d’aides publiques ou de la lutte contre la fraude et les agents des douanes, agents de police judiciaire des finances ainsi que les agents des services fiscaux (Loi art. 4, II ; CRPA art. L 115-2, I nouveau) ; |
Encadrement de la prospection commerciale
Interdiction du démarchage téléphonique sans consentement préalable
Consentement préalable du consommateur. À compter du 11-8-2026, il sera interdit à tout professionnel de démarcher par téléphone, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, un consommateur qui n'a pas exprimé préalablement son consentement à faire l'objet de prospections commerciales par ce moyen (Loi art. 13, II-B-1°, c et III ; C. consom. art. L 223-1, al. 1er modifié). La liste d’opposition au démarchage télé-phonique « Bloctel » sera supprimée.
Le consentement est défini comme toute manifestation de volonté libre, spécifique, éclairée, univoque et révocable par laquelle une personne accepte, par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale par voie téléphonique (C. consom. art. L 223-1, al. 2 modifié).
Le professionnel devra apporter la preuve que le consentement du consommateur a été recueilli dans ces conditions (C. consom. art. L 223-1, al. 3 modifié).
À noter. Les manquements à ces obligations sont passibles d'une amende administrative de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale (C. consom. art. L 242-16).
Information du consommateur. Lorsqu'un professionnel recueillera les données téléphoniques d'un consommateur, il sera tenu de l’informer qu’il doit recueillir son consentement préalable pour poursuivre l’échange, sauf s'il intervient dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours. Si ce recueil de données téléphoniques se fait à l'occasion de la conclusion d'un contrat, le contrat devra mentionner, de manière claire et compréhensible, qu'il est interdit de démarcher par téléphone un consommateur sans son consentement préalable (Loi art. 13, II-B-1°, d et III ; C. consom. art. L 223-2 modifié). Si le consommateur s'oppose à la poursuite de la communication, le professionnel devra immédiatement y mettre fin et s'abstenir de le contacter à nouveau (C. consom. art. L 221-16, al. 1er).
Exception client. Cette interdiction du démarchage téléphonique ne sera pas applicable lorsque la sollicitation interviendra dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et sera en rapport avec l'objet de ce contrat, y compris lorsqu'il s'agira de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité (Loi art. 13, II-B-1°, c et III ; C. consom. art. L 223-1, al. 4 modifié).
Les modalités d’application du nouvel encadrement du démarchage téléphonique seront précisées par décret.
Interdiction de conditionner la vente d’un bien ou d’un service à l’acceptation du démarchage. Depuis le 2-7-2025, le professionnel ne peut pas subordonner la vente d’un bien ou d’un service à l’acceptation du démarchage téléphonique, comme en matière de contrat d’assurance (Loi art. 13, II-A-1° ; C. consom. art. L 121-11, al. 3 modifié).
Extension des cas d'exclusion du recours au démarchage
Toute prospection téléphonique pour vendre des équipements ou réaliser des travaux d'économies d'énergie ou de production d'énergies renouvelables dans les logements est interdite, sauf dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours (C. consom. art. L 223-1, al. 3).
La loi interdit, à compter du 11-8-2026, tout démarchage téléphonique pour les offres de prestation de services portant sur ces secteurs ainsi que pour l’adaptation des logements au vieillissement ou au handicap (Loi art. 13, III ; C. consom. art. L 223-1, al. 5 modifié).
Par ailleurs, depuis le 2-7-2025, sauf dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours, la loi interdit dans ces secteurs le démarchage réalisé par sms, courriel ou sur les réseaux sociaux (C. consom. art. L 223-8 nouveau). En cas de manquement, le professionnel encourt une amende de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (C. consom. art. L 242-16-1 nouveau).
Renforcement des sanctions en cas d’abus de faiblesse ou d’ignorance par démarchage téléphonique
Depuis le 2-7-2025, les sanctions encourues en cas d'abus de faiblesse ou d’ignorance commis par démarchage téléphonique (ou par télécopie) sont alourdies à :
- 5 ans d’emprisonnement (au lieu de 3 ans) ;
- 500 000 € d’amende (au lieu de 375 000 €) (Loi art. 13, II-A-2° ; C. consom. art. L 132-14-1 nouveau).
Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les 3 derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
Nouvelle sanction en cas de non-immatriculation au RNE Depuis le 2-7-2025, une amende administrative de 7 500 € sanctionne certaines personnes tenues de s’immatriculer au registre national des entreprises (RNE) qui ne respectent pas cette obligation (Loi art. 13, I ; C. com. art. L 123-38-1, al. 1er nouveau). Sont concernées les entreprises exerçant une activité de nature commerciale, artisanale ou indépendante, notamment les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, les sociétés, les groupements d’intérêt économique, certaines associations, les agents commerciaux et les personnes relevant du secteur des métiers et de l’artisanat. Seules les personnes exerçant une activité agricole sont exclues en raison de la spécificité de leur activité. Les agents de la CCRF sont habilités à rechercher et constater cette infraction dans le cadre de leur pouvoir d’enquête et à enjoindre à tout professionnel de se conformer à ses obligations, en lui laissant un délai raisonnable, et, le cas échéant, à prononcer cette amende (C. com. art. L 123-38-1, al. 2 nouveau). |
Lutte contre les fraudes en matière de formation professionnelle
Contrôle de l'activité des organismes de formation
Nouveau cas d’annulation de la déclaration d’activité d’un organisme de formation. Depuis le 2-7-2025, l'enregistrement de la déclaration d'activité d’un organisme de formation peut être annulé par décision du préfet de région lorsque l’agent de contrôle constate, au terme d'un contrôle qu'un organisme chargé de réaliser tout ou partie des actions de formation professionnelle (C. trav. art. L 6313-1 : actions de formation, bilans de compétences, actions de validation des acquis de l'expérience et actions de formation par apprentissage) a établi ou utilisé intentionnellement des documents de nature à obtenir indûment l'enregistrement de la déclaration d'activité, le versement d'une aide ou le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix de prestations de formation professionnelle (Loi art. 20, 2° ; C. trav. art. L 6351-4, 4° nouveau et R 6351-10).
Désormais, le préfet de région peut prononcer l’annulation de l’enregistrement de la déclaration d’activité dans 4 cas :
- lorsque les prestations ne correspondent pas aux actions de développement des compétences ;
- en cas de non-respect des dispositions du Code du travail relatives à la réalisation des actions de formation ;
- après une mise en demeure restée sans effet dans un délai de 30 jours ;
- ou lorsque l'organisme de formation a établi ou utilisé intentionnellement des documents frauduleux de nature à obtenir indûment l’enregistrement de sa déclaration d’activité, le versement d’une aide ou le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix de ses prestations de formation.
Suspension des effets de l’enregistrement de la déclaration d’activité. Depuis le 2-7-2025, le préfet de région qui a enregistré la déclaration d’activité d’un organisme de formation peut, en cours de contrôle, en suspendre les effets lorsque les premiers éléments issus du contrôle font apparaître que l’organisme de formation n’a pas respecté les obligations imposées par le Code du travail concernant la réalisation d’actions de formation et son activité de formation ou en cas d'indices sérieux de manoeuvres frauduleuses ou de manquement délibéré aux dispositions légales.
La suspension, d’une durée maximale de 4 mois, ne peut intervenir qu’après que le titulaire de la déclaration d’activité a été invité à présenter ses observations. Les décisions de suspensions doivent être motivées et indiquer les voies et délais de recours (Loi art. 21, 1° ; C. trav. art. L 6351-4-1 nouveau). Le refus de se soumettre aux contrôles de la formation professionnelle peut désormais donner lieu à la suspension de l'enregistrement de la déclaration d'activité (Loi art. 21, 2° ; C. trav. art. L 6362-7-3 modifié).
Échanges d’informations entre les agents de contrôle et les acteurs de la formation professionnelle. Désormais, les employeurs et les organismes de formation doivent communiquer aux agents de contrôle de l’inspection du travail et de la formation professionnelle les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions (Loi art. 24, 1° ; C. trav. art. L 6362-1 modifié).
Par ailleurs, les différents acteurs du contrôle et du financement de la formation professionnelle [notamment l’administration fiscale, les organismes de sécurité sociale, la CCRF, France compétences, l’ ASP, les organismes financeurs (OPCO, CDC, etc.), les organismes certificateurs, les services chargés du contrôle de l’application de la législation du travail et du contrôle de la formation professionnelle, etc.] peuvent échanger, spontanément ou sur demande (pouvant être effectuée sous forme dématérialisée dans des conditions restant à définir par décret), tous les documents et les informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur exercice (Loi art. 24, 2° ; C. trav. art. L 6362-1-1 nouveau).
Le secret professionnel ne peut pas être opposé aux demandes effectuées par les administrations, les établissements publics, les collectivités territoriales et les opérateurs de l'État.
Lutte contre la fraude au compte professionnel de formation (CPF)
Suspension des paiements à l’organisme de formation. Lorsqu'il existe, de la part d'un prestataire de formation référencé sur le service dématérialisé du CPF, plusieurs indices sérieux de manoeuvres frauduleuses ou de manquement délibéré à ses obligations ou de commission d'infractions au titre du CPF, les agents de l’administration sociale, de l’administration fiscale, de la CCRF et de la police judiciaire peuvent désormais demander à la Caisse de dépôts et consignations (chargée de gérer le CPF), dans le cadre de leurs missions respectives, la suspension conservatoire de tous paiements au titre du CPF pour ce prestataire.
Cette suspension conservatoire des paiements au titre du CPF à l’encontre du prestataire de formation est limitée à 3 mois, éventuellement renouvelables si des éléments nouveaux laissant supposer un manquement délibéré ou des manoeuvres frauduleuses sont portés à la connaissance des agents de contrôle durant cette période. Les modalités d’application de la procédure de suspension doivent être précisées par décret (Loi art. 34 ; C. trav. art. L 6333-7-2 nouveau ; CRPA art. L 115-3).
Loi 2025-594 du 30-6-2025, JO du 1-7 ; Conseil constitutionnel n° 2025-887 DC du 26-6-2025, JO du 1-7
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